Pour éduquer un enfant, faut-il irrémédiablement le frustrer ? N’y a t-il pas une autre façon? Lui apprendre le plaisir de devenir indépendant, libre…
Je n’aime pas l’idée selon laquelle, pour élever un enfant, il faut le frustrer. Dans mon esprit, frustrer est synonyme de brimer, de léser…Un peu comme si pour l’aider à grandir, il fallait le punir… Cela me hante…Enfin, m’a hanté, surtout au début, pour le premier, car pour les suivants…J’étais moins à fleur de peau…J’avais de l’expérience ! Et surtout, il a bien fallu que je reconnaisse, au bout de quelques mois, que l’éducation d’un enfant repose bien sur la frustration. Mais la mienne !
Je n’élève pas les enfants pour moi-même (Une Ministre récemment a rappelé aux parents d’élèves que leurs enfants de leur appartenaient pas…Je ne souhaite pas non plus élever mes enfants pour l’Etat. Mais c’est un autre débat ! Prenons un peu de hauteur!)
J’élève mes enfants pour qu’ils deviennent autonomes.
Du cordon ombilical sectionné, au maintien de la tête, en passant par l’acquisition de la propreté et au vélo sans roulette (pour faire vite, autant acheter une draisienne !), et l’école… Pardon, l’Ecole…Pour la première rentrée de toute une vie, je peux bien mettre une majuscule ! C’est plus classe !
Et voici donc que je me prends moi-même en flagrant délit de déni total !
« – Elle a quelle âge ?
– Trois ans.
– Elle rentre à l’école, alors ?
– Oui, l’année prochaine. »
A ce moment-là, flotte une sorte de malaise…Je sens, sans même me tourner vers mon interlocutrice se diriger un regard étrange, interrogateur, qui à peine rencontré me fait rectifier tout de suite ma réponse.
« – Enfin, elle rentre là… en septembre 2015. »
C’est bon, je l’ai craché ! Elle a trois ans…Elle va pas avaler des perles toute sa vie, non plus ! Rentrée 2015, 2016, on s’en fout, non ? C’est celle qui arrive là ! Je le sais, na ! Quelque chose pour me mettre le moral plus bas ?
« – D’accord, parce que l’année prochaine, c’est septembre 2016…Elle rentre dans quinze jours, du coup ! C’est bien ! »
Très bien ! On s’en fout pas ! Rentrée 2015 ou rentrée 2016, ça veut vraiment dire quelque chose ! Au temps pour moi !
« –C’est pour vous que cela va être difficile. Vous travaillez ? Non ? Vous allez vous ennuyer ! »
De quoi, je me mêle !
Comme l’envie de la dégager manu militari s’est emparée de moi, mais que c’est très mal vu socialement notamment devant un très jeune public, j’ai décidé de m’enfuir .
A la première occasion, foutue complètement en vrac par l’étrangère rencontrée sur cette plage, qui s’acharnait à prendre mes affaires pour les siennes , j’ai tout mis illico presto dans mon sac !
« Quinze jours » m’avait-elle dit. Cela résonne encore en moi comme le tocsin. Propulsée en septembre 2015, je vois déjà défiler les cartables neufs, les crayons de couleurs, les mines grises des enfants au réveil… Et mon bébé ne plus en être un, m’échapper, grandir…
Je compte et recompte « Quinze jours » …Cela semble si peu…Ce qui est rassurant c’est que, aujourd’hui, je n’ai pas assez de doigts sur mes deux mains pour aller jusqu’à quinze, (et demain non plus puisqu’il m’en faudrait trois. La seule chose qui pourrait me pousser demain, à défaut d’une troisième main, ce sont des cheveux blancs, n’est-ce pas?).
Ai-je fermé les yeux trop longtemps ? Ai-je raté quelque chose ? J’ai semé la tempête et bientôt je n’aurai que du vent, une brise légère… Le silence dans la maison…Dans une maison très bien rangée…Et même le temps de lire !
Que puis-je faire à présent ? Les années sont passées si vite… Le compte à rebours a commencé. Je me contenterai de ce qu’elle voudra…De toute façon, c’est comme ça…J’élève mes enfants pour qu’ils deviennent autonomes…
©Emilie BERD 18/08/2015