L’AMOUREUSE de Paul ELUARD

 

Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s’engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s’évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.

Poème de Paul Eluard issu du recueil Capitale de la Douleur avec lequel que je poétise aujourd’hui sur une idée de Gwenaëlle  à l’occasion du Printemps des Poètes.

En retard et sans illustration…

Psyché de Pierre LOUŸS

 

Psyché ranimée par le baiser de l’Amour CANOVA Source:Wikipédia

 

Psyché, ma sœur, écoute immobile, et frissonne…
Le bonheur vient, nous touche et nous parle à genoux
Pressons nos mains. Sois grave. Écoute encor…Personne
N’est plus heureux ce soir, n’est plus divin que nous.

Une immense tendresse attire à travers l’ombre
Nos yeux presque fermés. Que reste-t-il encor
Du baiser qui s’apaise et du soupir qui sombre?
La vie a retourné notre sablier d’or.

C’est notre heure éternelle, éternellement grande,
L’heure qui va survivre à l’éphémère amour
Comme un voile embaumé de rose et de lavande
Conserve après cent ans la jeunesse d’un jour.

Plus tard, ô ma beauté, quand des nuits étrangères
Auront passé sur vous qui ne m’attendrez plus,
Quand d’autres, s’il se peut, amie aux mains légères,
Jaloux de mon prénom, toucheront vos pieds nus,

Rappelez-vous qu’un soir nous vécûmes ensemble
L’heure unique où les dieux accordent, un instant,
À la tête qui penche, à l’épaule qui tremble,
L’esprit pur de la vie en fuite avec le temps.

Rappelez-vous qu’un soir, couchés sur notre couche,
En caressant nos doigts frémissants de s’unir,
Nous avons échangé de la bouche à la bouche
La perle impérissable où dort le Souvenir.

Poème de Pierre Louÿs issu du recueil Poésies avec lequel que je poétise aujourd’hui sur une idée de Gwenaëlle  à l’occasion du Printemps des Poètes.

L’été de nuit de Yves BONNEFOY

Il me semble, ce soir,
Que le ciel étoilé, s’élargissant,
Se rapproche de nous ; et que la nuit,
Derrière tant de feux, est moins obscure.

Et le feuillage aussi brille sous le feuillage,
Le vert, et l’orangé des fruits mûrs, s’est accru,
Lampe d’un ange proche ; un battement
De lumière cachée prend l’arbre universel.

Il me semble, ce soir,
Que nous sommes entrés dans le jardin, dont l’ange
A refermé les portes sans retour.

Poème de Yves Bonnefoy issu du recueil PIERRE ECRITE (1965) avec lequel que je poétise aujourd’hui sur une idée de Gwenaëlle Péron à l’occasion du Printemps des Poètes.

 

L’IRREMEDIABLE de CHARLES BAUDELAIRE

 

 

Spleen et Idéal Carlos SCHWABE

I

Une Idée, une Forme, un Être
Parti de l’azur et tombé
Dans un Styx bourbeux et plombé
Où nul oeil du Ciel ne pénètre ;

Un Ange, imprudent voyageur
Qu’a tenté l’amour du difforme,
Au fond d’un cauchemar énorme
Se débattant comme un nageur,

Et luttant, angoisses funèbres !
Contre un gigantesque remous
Qui va chantant comme les fous
Et pirouettant dans les ténèbres ;

Un malheureux ensorcelé
Dans ses tâtonnements futiles,
Pour fuir d’un lieu plein de reptiles,
Cherchant la lumière et la clé ;

Un damné descendant sans lampe,
Au bord d’un gouffre dont l’odeur
Trahit l’humide profondeur,
D’éternels escaliers sans rampe,

Où veillent des monstres visqueux
Dont les larges yeux de phosphore
Font une nuit plus noire encore
Et ne rendent visibles qu’eux ;

Un navire pris dans le pôle,
Comme en un piège de cristal,
Cherchant par quel détroit fatal
Il est tombé dans cette geôle ;

– Emblèmes nets, tableau parfait
D’une fortune irrémédiable,
Qui donne à penser que le Diable
Fait toujours bien tout ce qu’il fait !

Oui, je sais… Charles Baudelaire… Les Fleurs du Mal… Je suis petite joueuse, mais je l’aime, voyez vous. Et c’est avec lui que je poétise aujourd’hui sur une idée de Gwenaëlle Péron à l’occasion du Printemps des Poètes.

 

 

INSOMNIE de MARINA TSVETAÏEVA

 

Dans les ténèbres tout s’élance – nomade:
Sur la terre ennuyée errance – des arbres


Le vin d’or en train de monter – aux grappes
De maison en maison tournée – d’étoiles


Les cours d’eau à rebours inclinent – à fuir
Et moi je veux sur ta poitrine – dormir.

Grâce à ce poème du 14 janvier 1917 issu du recueil Insomnie et autres poèmes de Marina TSVETAÏEVA, je poétise sur une idée de Gwenaëlle Péron à l’occasion du Printemps des Poètes.

J’ai cherché la version russe, en vain…