Participation à l’agenda ironique d’avril

Je ne suis pas sûre d’avoir respecté toutes les contraintes, mais comme je me suis bien amusée, je me lance. Si ça vous intéresse, les règles sont chez Des Arts et Des Mots.

Matisse La Conversation 1908

S’il n’ y avait eu qu’entre soi, une petite pluie d’un peu de toi et de moi..

Si l’on avait eu qu’un passé, au pas vifs et taupe, de tendres instants volés…

S’il n’y avait eu de féroce que notre liberté de chair et sans noces…

S’il n’y avait eu qu’à couper, haut qui court dans le cou, cette soif soufflée…

Mon négatif monochrome, mon âme sûre, mon épaule en somme, j’encaisse.

S’il n’y avait eu qu’un emprunt, qu’un mirage téméraire qu’on imprime à la fin…

S’il n’y avait eu pour plaire, qu’un voyage en vain, un retour en arrière…

S’il n’y avait eu cette force, puisée dans le désert, un dessein à bosses…

Mais le coeur a ses raisons, à tort et sans tain, que la raison ne connaît point.

Cause toujours, nos bras scellés. Parle-moi d’amour… Tu m’intéresses…

(C) Emilie Berd 19 avril 2021

L’EFFET REVERBERE

 – On ferme ! Dehors ! hurla la patron du bar.
Il avait bien son compte, car, en ni une ni deux, le voilà sur la chaussée trempée !
On ne l’y reprendra plus ! Il ira dépenser son liquide ailleurs ! Puisque c’est ainsi qu’on traite les clients ici, il se fait la belle, cahin caha !
La nuit est noire.
Il allume une Chesterfield, et tant bien que mal, avance sur le trottoir.

Guidé par les lampadaires stoïques, quoique, si l’on tend l’oreille plutôt méprisants :
Regarde celui qui arrive, dit l’un
Il n’a plus la lumière à tous les étages, répond l’autre
Il ne marche pas droit, celui-là
Il s’en est mis plein la lampe, tu veux dire !

La fumée de cigarette lui retourne l’estomac comme une barque (bien trop chargée) en plein Atlantique ! Ce mal de mer provoque un hoquet évocateur dont l’effet émétique surprend pourtant toujours son auteur.

Ben voyons !
Il n’est plus que l’ombre de lui-même !

À peine remis de son lavage gastrique, il s’approche, les deux mains en avant, d’un de compères statiques et se vide la vessie !

Voilà donc qu’il m’a pris pour une lanterne !, grommelle la victime arrosée.

Une fois soulagé, il enlève sa veste souillée avec l’idée nauséeuse de dormir sur le banc.
Il entend ses clefs sonner sur le bitume et tente péniblement de les retrouver lorsque la gravité le rappelle de tout son long sur le sol. Il rampe jusqu’au réverbère suivant et l’entreprend, dans un délire, une sorte de séduction pathétique, enlaçant son unique pied de ses bras et le suppliant de lui rendre son Sésame.

La proie, pétrifiée, et ses acolytes assistent à la scène, contraints et forcés, tout en  poursuivant leurs commentaires :
Que n’ai-je été veilleuse d’appartement pour éviter de subir ce genre de comportement?
– Faut quand même pas pousser ! Pourquoi pas dans la tête d’Archimède pendant qu’on y est !
– Ou au talon d’Achille
– Vous me prenez vraiment pour une ampoule, n’est-ce pas ? Mais je n’en peux plus de ces spectacles de rue ! Je suis un personnage important, moi !    L’éclairé public, c’est, moi ! »

Après de longues minutes, l’homme dont l’état général ne s’est guère amélioré, recouvre néanmoins assez d’esprit pour se hisser jusqu’au banc ! Assis enfin, il souffle un peu, lorsque l’apparition d’un génie tout droit sorti des Contes des Mille et Une Nuits, le fait sursauter !
Maître, lui dit la créature, je suis le génie du lampadaire que tu as frotté ! Maître, tu m’as libéré ! En signe de gratitude, je t’accorde trois vœux !
L’ivrogne n’en croit pas ses yeux !
D’un bond, dessaoulé, il se met debout, et prend ses jambes à son cou, en se jurant que dès le lendemain il arrêterait le djinn !

© Emilie BERD 18 mars 2019

Ecrit pour l’Agenda Ironique de mars 2019 hébergé par Les Dessous des mots.

Ce mois-ci, il était proposé d’écrire un texte sur le thème « Lampadaire » en utilisant quatre mots imposés :
– Chesterfield
– Émétique
– Atlantique
– Évocateur

MARS, LE MOIS DES FOUS

Ce mois-ci, c’est Monesille qui héberge l’Agenda Ironique et nous propose comme thème les fous :

« Les fous, bouffons et autres amuseurs public, les fous-rires, l’espoir fou, enfin quoi Mars sera le mois des fous ! Qu’est qui pourrait bien vous rendre fous ? De moi je sais déjà, hum, hum, mais d’écriture ? »

Voici donc ma folle participation à ce mois des fous :

MARS, LE MOIS DES FOUS

« Le sujet de l’Agenda Ironique de ce mois était donc « Mars, le mois des fous ». J’avoue avoir été très déçu, dans l’ensemble, par vos copies.

Nombre d’entre vous n’ont pu s’empêcher de faire quatre feuilles complètes sur des connaissances qui de leur famille, qui de leurs amis, étaient nées au mois de mars ! Il ne s’agissait pas de recopier une page de votre journal intime ou de débuter un livre de doléances. Ce n’était pas le sujet ! Ce que je vous demandais, et je croyais avoir été clair, c’était de vous attarder sur les caractéristiques du mois de mars, et partant, sur les raisons qui lui donnent une telle réputation.

Je vais donc à tous vous demander de le refaire et sérieusement, cette fois, s’il vous plaît ! Pour vous aider, et pour m’éviter une nouvelle migraine à la correction, je vais vous donner quelques pistes de réflexion :

Commençons par le commencement, le mois de mars est le troisième mois de l’année. Il arrive donc juste après celui… de février. Jusque là, je pense que vous me suivez, pour le moins je vous le souhaite…Le mois de février donc qui, on peut le dire sans crainte, est loin d’être foufou…Froid, court…Bref, on ne se le cachera pas : on aurait bien pu mettre avril ou (soyons fous puisque c’est le thème) juillet après le mois de février, il nous aurait paru tout aussi déjanté que le mois de mars, qui (soit dit en passant) est tout de même beaucoup moins givré que son prédécesseur !

Prédécesseur (février pour rappel) qui de désœuvrement nous a gavés de crêpes et de gaufres, amèrement regrettées aussitôt après, c’est-à-dire au moment d’ôter la doudoune pour le petit gilet cintré, car le mois de mars est aussi le mois du…printemps !

Et qui dit printemps, dit…saison des amours ; Les plantes s’épanouissent, les abeilles butinent , les jupes fleurissent et s’envolent à la brise légère du matin… ou de l’après-midi…ou du soir même, car vous n’êtes pas sans savoir que mars est un mois de caractère, avec une météo venue pour ainsi dire d’une autre planète que l’on nomme poétiquement « giboulées »…Il lui les faut tous : orage, tempête, grêle et compagnie, avec du soleil aussi, un grand fou, je vous dis ! Car si en avril, il ne faut pas se découvrir d’un fil, en mars, pas d’apéro sur la terrasse !

Alors après, en conclusion, que fait-on ?… On ouvre le sujet. Par exemple Mars, mois des fous : Fiction ou Réalité ? C’est là où il faudra vous positionner ! Faites preuve de courage. N’hésitez pas à soulever des lièvres !

En revanche et ce sera mon dernier conseil, pour votre réflexion, ne vous bornez pas au mois de mars que vous êtes en train d’expérimenter. En effet, et j’aurais dû commencer par là, mars cette année a une spécificité un peu farfelue…une french touch. Sa fin habituellement fixée au 31 aura lieu en 2017 le 7 mai. Donc puisez dans votre mémoire ! J’attends vos copies le vendredi 24 mars au plus tard ! »

©Emilie Berd 24/03/2017

 

AGENDA IRONIQUE DE FEVRIER

En février, c’est Jobougon qui héberge l’Agenda Ironique. Comme thème, Jobougon nous propose d’écrire une critique littéraire.
Notre mission en février.
Choisir un livre et en faire une critique littéraire.
Qu’on l’ait lu ou pas.
Qu’il existe réellement ou pas.
Qu’un livre intrus se soit glissé distraitement dans le lot.
Que l’on rêve de l’écrire, ou pas.
Ou qu’il soit, peut-être encore soigneusement conservé dans quelque bibliothèque secrète ou interdite.

Voici ma participation, un brin délirante, je l’avoue.

Entretien avec Ava B. le 4 juin 2054

Bonjour, Ava B, nous sommes ici, sur ce plateau, pour parler de votre livre La Révolte contre les Reloux, paru aux Editions Planète, la semaine dernière. Est-ce un livre politique ?

Il s’agit avant tout d’un récit historique sur la Révolte Internationale de 2020.

Ne peut-on pas parler de Révolution ?

Citez m’en une qui a changé le monde ? Avec la révolution, on ne fait que tourner en rond ! Je préfère parler de révolte, car il s’agit bien de la Révolte de nos Ancêtres. Et cette Révolte est l’avènement d’un jour nouveau, d’un régime novateur et stable inspiré par plus de deux mille ans d’Histoire et, bien évidemment par le Très-Haut. Car, il ne faut pas oublier que c’est grâce à cet épisode sombre que le Très-Haut, notre Guide à Tous, pourvoit désormais aux besoins matériels et immatériels de la Terre entière.

Cette révolte a été contée de nombreuses fois…Alors pourquoi ce livre ?

J’y ai étudié les raisons pour lesquelles la Révolte a explosé, à titre d’exemple et de mémoire… Malgré les travaux de nos chercheurs, ces raisons restent assez floues.

Quelles sont donc les raisons qui ont poussé nos Ancêtres à se révolter contre le désordre établi ?

Il y a deux thèses :
-La Thèse de la Bêtise Ordinaire: Une drogue aurait été administrée par le réseau de distribution d’eau, afin de maintenir servilité et docilité.
Cela expliquerait pourquoi les enfants, absorbant alors des litres de boissons sucrées industrielles, ont été beaucoup moins touchés que les adultes, et ont donc été en mesure de se rebeller contre leurs parents. Ils ne les supportaient plus. A l’époque, nos Ancêtres disaient que leurs parents étaient « reloux ». Cette appellation est restée.
-Et la thèse dite « du pain et des jeux » : La Révolte aurait été la réponse à  une initiative des Reloux entendant supprimer les réseaux sociaux, très prisés par nos Ancêtres. Certains évoquent même un complot impliquant l’Intelligence Artificielle. La volonté de supprimer les réseaux sociaux aurait été ce qu’on appelait une « fake news », diffusée par l’I.A. via les réseaux sociaux afin que les Enfants s’élèvent contre les adultes. Cette théorie est toutefois invérifiable, compte tenu de la mise en veille de l’I.A. par le Très-Haut, dans sa bienveillance universelle.

Quelle thèse privilégiez-vous ?

Elles sont toutes valables, à cause du contexte…
Le monde n’était pas celui d’aujourd’hui. Avant la Montée des Eaux, les terres émergées étaient évidemment plus nombreuses et elles étaient partagées en états chacun dirigé par une ou plusieurs personnes.
Des écrits sur le réchauffement du climat témoignent de pays ratatinés en leur centre. En quelques mois, ils se seraient géologiquement recroquevillés, à l’intérieur de leurs frontières, formant des creux et des plis… De sorte que plus personne ne pouvait ni se voir ni s’entendre…Le risque de troisième guerre mondiale n’avait jamais été aussi grand…La tension était épaisse…Nos Ancêtres ont dit « Stop« !

Quelle période tragique !

Je pense que les Reloux ont été dépassés…Ils ne savaient pas gérer les problèmes qui s’imposaient à eux, trop occupés qu’ils étaient par leurs cultes… L’argent, la corruption…Et la religion qu’heureusement le Très-Haut, Très-Eveillé, Ultime Rempart, a banni de notre société mondiale.

Alors, les Enfants, nos bien-aimés Ancêtres, ont pris les armes…

Tant de pouvoir dans de si petites mains…N’est-ce pas terrifiant ?

En effet, il existait une expression « Jeux de mains, jeux de vilains », qui n’était plus entendue semble t-il, à ce moment… C’est pourquoi le Très-Haut a mis en place aujourd’hui un programme de « désensibilisation » dès l’âge de quatre ans…

Oui, les fameux vaccins contre la Rage…

Encore une fois, chaque mot a son importance. Il s’agit de désensibilisation pour que les enfants  puissent se consacrer entièrement aux apprentissages et à l’expression de leur gratitude envers le Très-Haut.

Vous comprenez que certaines voix s’élèvent contre ce dispositif ?

Je n’en ai pas entendu parler…Mais si tel est le cas, je veux dire à ces parents qu’il faut placer son entière confiance dans le Très-Haut, car lui seul sait ce qui est bon pour nous tous.

Revenons à votre livre…En quelques mots, quel est son message ?

Mon livre montre scientifiquement que la liberté amène le chaos. Le message sous-jacent serait que quoiqu’il nous arrive, il faut s’en remettre au Très-Haut, le Premier parmi les hommes.

Merci beaucoup Ava B. d’être venue aujourd’hui dans notre émission pour parler de ce livre très intéressant.

Merci à vous de m’avoir accueillie…Vous savez, j’ai simplement voulu écrire un manuel scolaire et je suis très honorée que le Très-Haut ait décidé de l’utiliser en classe.

©Emilie BERD 07/02/2017

AGENDA IRONIQUE DU MOIS DE JANVIER-ESPECES D’ESPACE

Ce mois-ci, l’Agenda Ironique est hébergé par Carnetsparesseux.

Il nous proposait le thème suivant :

Espèces d’espace

Petit clin d’oeil à Georges Perec ? Façon d’arrêter de se croire tout seul sur notre petite planète ? De faire un peu de place aux autres d’ici ? Ou encore de rêver à nos frères inconnus qui se promènent dans les galaxies lointaines ? Autre chose encore ? A vous de dire.

Mode d’emploi : comme d’habitude, forme libre, chanson, poème, conte, récit, tarentelle, haïku… disons quand même pas plus de 700 mots – comme d’habitude…

Il précisait apprécier que soient glissés dans le texte sept des huit mots suivants : hippocampe, mimosa, n’importe, chat, manger, tentacule, épuiser, vert.

Voici donc Espèces d’Espace à ma façon :

TE SOUVIENS-TU ?

Te souviens-tu ?

J’étais venu te voir, par une nuit glaciale. Une nuit si belle, la première nuit…

Dehors, l’eau ne coulait plus. J’entendais les pierres se moquer d’elle : « Tout le printemps, tu glisses. Sur nous, tu cours. Tu te presses et nous nargues ! Et voilà que c’est ton tour. »  Elle, d’ordinaire limpide était immobile, figée par le gel en de fines statues, des dents pointues qui tombaient de ton toit et protégeaient ta porte.

La terre étouffait en silence sous la neige, celle du jour d’avant, un jour blanc.

Tu n’étais pas sortie. Tu n’avais pas bu et peu mangé. Tu essayais de réchauffer tes pieds menus, en improvisant une danse sur la terre battue. Adresse du chat faite petit rat, ballerine pleine de grâce imaginée par la glace qui se faufilait sous ta peau, aérienne… Je sentais ton cœur battre dans mes tempes.

Ce soir-là, je suis rentré chez toi, je suis allé dans ta chambre. Tu dormais. Tu tremblais tant, comme si le vent de l’hiver t’enlaçait sous tes couvertures, comme si une fièvre tenace épuisait tes rêves. J’ai caressé ta joue, tu n’as plus bougé et je suis parti.

Les nuits suivantes, je suis revenu. Je m’asseyais à côté de ton lit pour écouter tes songes. Et une fois, dans ces images d’horreur et de joie, je m’y suis vu !

Te souviens-tu ?

Surpris, je suis sorti, m’arrêtant sur le pas de ta porte. Tu t’es levée et tu m’as cherché. Tu m’as saisi la main et je t’ai étreint.

La lumière a frappé autour de nous. J’ai entendu faner le mimosa, l’eau ruisseler en grande pompe et les pierres la maudire. J’ai vu l’herbe poussée d’un coup comme un monstre vert souterrain libérant toutes ses tentacules. Le toit a commencé à pleurer, dans nos cous, des gouttes froides et seules…Nous étions deux…

Te souviens-tu ?

Au fur et à mesure des nuits, notre amour a grossi…Tu étais si inquiète, car, aux yeux des autres, disais-tu, je n’existais pas. Peut-être… mais aux tiens ? Je voulais rester ton roi et j’aurai fait n’importe quoi… Si j’avais pu, je l’aurai porté moi-même cet enfant, je me serais fait femme ou …ou hippocampe ! Mais les anges ne savent pas faire ces choses-là…

Tu m’avais promis pourtant que tu serais toujours là pour moi et tu m’as oublié pour que cet enfant vive comme un homme, cet enfant qu’un autre m’a volé…
Pourtant, au fond, tu avais raison, car personne au monde n’aurait pu croire qu’un ange et une étoile aient pu s’aimer.

©Emilie BERD 13 janvier 2017

 

AGENDA IRONIQUE DE SEPTEMBRE, VOICI L’HISTOIRE DU LOUP

L’Agenda ironique ce mois-ci est chez Martine et chez Carnetsparesseux. Les deux organisateurs nous proposaient deux thèmes. L’un donne sa langue au chat tandis que l’autre s’égare dans des sombres histoires de loup et d’habit rouge. Après le chat, publié hier, voici le loup!

LE PETIT CHAPERON

Il était une fois une petite fille adorable et adorée ! Sa mère l’adorait, sa grand-mère l’adorait !
Cet amour la dota d’un indécrottable caractère. Des règles, elle n’en avait que faire !
Incorrigible, elle obtenait toujours ce qu’elle souhaitait. Les autres enfants de son village l’évitaient et les adultes ragotaient sur ses crises habituelles : « Qu’est-ce que sa mère va bien pouvoir faire d’elle ? ».

Cette petite fille portait un chaperon qui lui allait si bien qu’on l’appelait « Le Petit Chaperon».

Un jour que sa grand-mère fut malade, Le Petit Chaperon partit en ballade lui porter une galette et un petit-pot de beurre. Après tout, elle avait bon cœur.
En chemin, elle rencontra le Loup qui lui demanda :
« Où vas-tu, chère enfant ? »
« Chez ma mère-grand, répondit-elle en s’agaçant déjà, lui porter une galette et un petit pot de beurre que ma mère lui envoie. »
Le Loup lui dit « Voudrais-tu jouer à un jeu avec moi ? »
Le Petit Chaperon rétorqua « Non merci, je suis pressée, je n’ai qu’une hâte, voir ma grand-mère bien-aimée et me retrouver devant l’âtre. »
Le Loup resta sans voix. Il ne souffrait que, pour la première fois, quelqu’un lui résistât   ! Alors, il insista. « C’est que dans ce bois, je m’ennuie. Je ne serai pas contre un peu de compagnie. »
Mais l’enfant le regarda de travers ! « Il croit que je suis née d’hier ! » pensa t-elle alors qu’elle suait d’impatience ! « J’admire votre insouciance, mais voyez-vous, il commence à faire tard. Chercher donc une biche, un lapin, je ne sais pas…un lézard…. »

Le Loup n’y comprenant plus rien, mais se laissant guider par la faim, se jeta sur la pauvre petite qui ni une ni deux l’assomma bien vite ! Un crochet du gauche sans rancune, et un uppercut magistral le mit dans la Lune !
Le Petit Chaperon, rouge de colère, lui dit « Malgré vos grandes oreilles, vous êtes donc sourd, à moins que vous ne soyez tout bonnement lourd ! Quoiqu’il en soit vous m’avez mis à bout ! Je vous ai dit Non et vous en avez fait fi, Loup ! »

©Emilie BERD 21/09/2016

AGENDA IRONIQUE DE SEPTEMBRE

L’Agenda ironique ce mois-ci est chez Martine et chez Carnetsparesseux. Les deux organisateurs nous proposaient deux thèmes. L’un donne sa langue au chat tandis que l’autre s’égare dans des sombres histoires de loup et d’habit rouge.

Je ne sais pas encore si je pourrai pleinement participer au concours car je n’ai à cette heure terminé que le texte à la langue de chat…Mais écrit pour écrit, le voici!

BABEL

Il était un temps lointain où tout le monde parlait le même langage, un temps béni a priori mais ce serait occulter une bonne dose d’ironie…

Il était un temps, donc, où tout le monde parlait la même langue, avant que la pop anglaise envahisse l’espace musical (parce que lorsque l’on comprend les paroles…), avant que les étudiants ERASMUS animent les nuits de Brighton ou de Barcelone, et bien avant que les faux-amis, dont on ne se méfiera jamais assez, s’incrustent dans les conversations.

Jusqu’à ce que quelqu’un eut une illumination:

 « Et si on construisait une Tour ! »

« Pas mal » répondirent les autres

« Une Tour qui toucherait le ciel »

« Mais un monument pareil ! Il lui faudrait un nom ! » (On admire au passage, la discipline de ce temps jadis où tout le monde ou presque parlait d’une seule voix ! )

« Appelons la, la Tour de Babel ! » Il faut préciser que l’homme à l’initiative de ce projet possédait un chat baptisé Babel, car ces miaulements nocturnes ressemblaient plus à la complainte d’un agneau qu’à des miaous de matou ! Malgré tout, c’était un chat d’une grande sagesse et, à son propos, son maître disait souvent qu’il ne lui manquait que la parole.

Les travaux commencèrent sous l’œil avisé du chat. Il guettait constamment et n’était jamais à l’abri d’une pierre ou d’une brique jetée par les ouvriers, ces derniers craignant qu’il leur joue un mauvais tour ou qu’il leur porte malheur. Pourtant il n’était pas noir, mais plutôt caramel…mais bon vous savez ce qu’on dit sur les pauvres chats, la nuit ! Du maçon à l’architecte, tous faisaient grise mine à son apparition et de sombres rumeurs ébranlaient les échafaudages. Mais remettons les choses dans leur contexte ! Du côté des hommes, la météo n’était pas clémente. Ils essuyaient de terribles orages et la construction allait de mal en pis…Et si l’on se penche un peu sur le cas du chat, son intelligence qu’il cherchait pourtant à cacher le desservait plutôt.

L’animal, fatigué d’être le bouc-émissaire de l’avancement désastreux du chantier qui somme toute n’était que le résultat de l’avidité des hommes (car se disait Babel, « une tour qui touche le ciel ne sert pas à grand-chose pour ceux qui ne retombent jamais sur leurs pattes ! ») prit ses jambes à son cou sans demander son reste !

Si la fuite du chat clairvoyant est méconnue, l’autre fin de l’histoire l’est beaucoup moins: aucune tour ne vit le jour, et les hommes, disséminés à la surface de la Terre parlèrent différents langages…

Et ce n’est que là que l’homme à l’idée géniale comprit, ayant perdu son fidèle compagnon et sa langue…et se dit qu’à défaut de l’avoir tournée sept fois dans sa bouche, il aurait mieux fait de la donner à son chat.

©Emilie BERD 20/09/2016

C’était jadis, faubourg des Illusions Perdues, dans les jardins des Dames. Tu te souviens?

Ce mois-ci, c’est Anne de Louvain-la-Neuve qui tient l’Agenda Ironique. Ainsi, elle nous avait proposé plusieurs contraintes

1/ un titre imposé : « C’était à … faubourg de… dans les jardins de ou d’…. ».

2/ Deux illustrations dont nous devions nous inspirer. Je me suis spécialement arrêtée sur celle-ci. (Anne n’ayant pas manqué d’indiquer pour l’introduction de cette consigne : »Ces illustrations vous aideront ( ?) peu ou prou.« , je vous informe tout de suite que j’ai choisi le « peu« !)

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3/ Et enfin (jamais deux sans trois, comme on dit) les mots suivants étaient imposés : cannibale, fourbir, niquedouille, praliné, rentable, sautiller, tellurique.

Voici donc ma participation in extremis!

C’était jadis, faubourg des Illusions Perdues, dans les jardins des Dames. Tu te souviens?

« – C’était jadis, faubourg des Illusions Perdues, dans les jardins des Dames. Nos images en noir et blanc réjouissaient petits et grands…Tu te souviens ?

– C’est si loin… Les couleurs, à présent, ont gagné cette guerre. Puis le numérique, la TNT…Une fulgurance explosive à laquelle nous n’avons pas échappé !

– Les couleurs sont les flambeaux qui nous ont offert un triomphe, ne l’oublie pas. Des contrastes de plus en plus nuancés se font désormais sous la pulpe de leurs doigts…Comment dire non au progrès ?

– Un triomphe ! Reléguées dans une grange, comme des antiquités !
Comme si on nous avait laissé le choix, en plus ! Le temps semblait maussade, c’est vrai…Mais il ne laissait pourtant pas notre moral sur le carreau…
Au fond, je ne sais pas si cela change grand chose… Les téléspectateurs s’offusquent toujours des amours cannibales de la mante religieuse. Ils pleurent devant les adieux inondés des amoureux en transit…Ils s’effraient des actualités qui se suivent et se ressemblent…Et la météo…

– Certes, les nœuds des foulards chics se délient comme avant, laissant paraître des mèches dorées, pralinées ou foncées de cheveux volant, mais fourbies avec le vent. Il y a tout de même une grande différence, je trouve…Les paillettes brillent, le soleil éblouie…

– Ouai ! Peut-être ! Mais tout ce qui brille n’est pas d’or !  Les fenêtres n’étaient qu’un point de vue supplémentaire, l’écran n’était que le créneau pour observer sans être vu. Maintenant, les fenêtres s’ouvrent vite et grand…L’intérieur et l’extérieur se confondent. L’intime est jeté à la face du monde. Alors que le nombre de canaux multiplie les chaînes à leurs chevilles, les fortifications et les murs sont tombés, transformant la courbe tellurique en une simple virgule…

– Tablettes, smart-phones…Nos rejetons l’ont conquise cette virgule !

– Au prix de quelles concessions, de quelles alliances !!! Admettons que nous étions les premiers à leur donner ce pouvoir. Alors, dis-moi ! Ne sommes-nous pas responsables ? Nous les protégions pourtant, dans notre paysage noir et blanc ! Sans le rouge du sang, sans le vert des armées ! Et nous les mettions à l’abri des bruits mystérieux.

– Voilà, tu te remets à parler du cinéma muet ! Tu nous fais une réminiscence…

– Non, ce n’est qu’une analogie !

– Les enfants sont montés pour visionner  « Robin des Bois » en VHS ! Je ne suis pas aveugle ! Impossible à rater : l’image était désastreuse et le son… Mais ils s’en foutent, eux, de la couleur et du reste! Ici, ils sont heureux ! Et ils peuvent sautiller et grignoter tant qu’ils veulent sur le vieux canapé ! Ils nous ont épuisées ! On a veillé tard …Quelle heure est-il ?

– Il est 2 heures et tout va bien !!

– Tu vois ! Une réminiscence !! Tu te prends pour Niquedouille ! Débranche, enfin !

– Plus ça va, plus je me souviens de tout ce qui passe ! Ce n’est pas bon signe !
Je ne suis même plus bonne pour le recyclage !!!

– Mais si, mais si ! Et puis, Il nous vendra peut-être !

– Ma mémoire est cahoteuse et mon tube n’est plus à la mode, mais je suis certaine d’une chose, nous ne sommes plus du tout rentables, ma chère ! Le recyclage, c’est bien…

– Tu parles d’un programme ! Finir en pièces détachées !

– Pour un beau voyage…Pour changer de vie…

– On pourrait peut-être envisager un coming out…Leur faire comprendre…

– A qui donc?

– Aux hommes!

– Et ne plus pouvoir rêver ?

– Dire qu’ils inventent une Intelligence Artificielle !!

– Ne te moque pas ! Ils ne savent pas…Après tout, ce n’est pas plus mal qu’ils en inventent une d’intelligence…Ils en ont cruellement besoin ! »

 

©Emilie BERD 24/06/2016

AGENDA IRONIQUE DU MOIS DE MAI : LE VOTE

Camille ayant eu la bonté de m’arracher à mes archaïques ravisseurs, me voici enfin, ravie aussi, mais, aujourd’hui, par l’enthousiasme de vous proposer le vote pour le texte que vous avez préféré ainsi que celui pour le participant que vous aimeriez voir héberger l’Agenda Ironique du Mois de Juin.

Effectivement, la fin du mois de Mai approche et en attendant le prochain thème, celui du mois de Juin, qui j’en suis sûre (à défaut d’être fumeux) sera fameux, voyons ce qui s’est passé En attendant le prochain pont!

Les textes ont coulé à flots, avec des plumes fines et maîtrisées:
Le Slam de Valentyne, arrivée au galop, et sa récidive par un deuxième slam;
La Licorne avec son Pont Couvert;
Grumots et son Histoire de définition;
Patchcath et son hommage à la Libération
Carnets Paresseux avec la Sentinelle Perdue
Camille et son mâle de l’air
Asphodèle et « D’une berge à l’autre, le dernier pont »
Martine qui réconcilie dans un tour de force les Ponts et Chaussées
1patte dans l’encrier, sûr que tout vient à pont à qui sait attendre dans un premier texte, tend un pont vers notre coeur, dans un second.
Jobougon qui fait sa révolution puis réitère avec le pointilleur des émois
Laurence Délis avec « En attendant le prochain pont »
Jacou et son dialogue rythmé
Rx Bodo et Blaise au coin du pont
Monesille qui voulait vraiment nous raconter quelque chose
Anne de Louvain-la-Neuvre et L’arrivée fracassante de Sibélius
Michelle La Belette et son pèlerin habile
Et votre serviteur, qui vous proposait un rendez-vous.

Vous retrouverez également tous les liens chez Camille.

J’espère n’avoir oublié personne! Si tel était le cas, je sollicite votre indulgence. N’oubliez pas, que j’ai voyagé dans le temps ces derniers jours et ma mémoire n’est plus ce qu’elle était! Et n’hésitez pas à me le faire savoir ci-dessous!

Comme le mois de mai, on fait ce qu’il nous plait, certains esprits frondeurs et ironiques participent hors-concours, comme Martine avec un dialogue tout acidulé, Carnetsparesseux avec En attendant le prochain pont, et Jobougon avec Ponts dans l’eau.

Bien! Après ces belles lectures, passons au vote si vous le voulez bien.

D’abord, celui du texte. chaque votant peut voter pour trois textes (toute ressemblance avec les modalités mises en œuvre par Carnets n’est pas du tout fortuite!). Les résultats seront publiés le 23 mai.

Puis, celui pour désigner celui ou celle que vous aimeriez voir héberger l’Agenda Ironique du Mois de Juin:

 

 

Très bonnes lectures…

AGENDA IRONIQUE DU MOIS DE MAI

Ce mois-ci, le thème de l’Agenda Ironique est « En attendant le prochain pont« .

Voici ma participation.

RENDEZ-VOUS

Le long des chemins, l’ange avançait. Il avança ainsi durant des mois, des années peut-être…Revenant sans hésitation à son point de départ, lorsqu’il s’était égaré…Sans relâche et jusqu’au bout, jusqu’à ce jour où la terre attendue lui tendit les bras.

Les repères que sa mémoire comptait étaient là : le vieil arbre du pendu qui dégageait une odeur de pluie en secouant ses branches, la rivière sombre qui défilait sans bruit le long de blocs de pierre mousseux et le ciel pourpre, dont il pouvait admirer le pouls tressauter en éclats électriques.
C’était la première fois, depuis le début de son voyage, qu’au-delà des monts s’étalait un ciel d’une telle couleur. Ce n’était pas un mirage causé par son épuisement, ce n’était pas un rêve puisqu’il ne dormait pas, c’était le sang des empereurs versé dans la plaine qui remontait pour inonder le firmament.
Cette lumière pauvre laissait échapper du sol des ombres tristes qui ressemblaient à la mort. L’herbe désolée se couchait dans leurs larmes…Il était au bon endroit.

Il s’assit sur le bord de la route, relevant ses grandes ailes pour ne pas les salir. Il ouvrit son sac en bandoulière, prit sa gourde en cuir et bu quelques gorgées. Son expédition n’était pas terminée. A présent, il lui fallait attendre. La patience était l’une de ses plus grandes qualités…Il avait été choisi pour cela. Il savait se battre évidemment, mais du monde où il venait ce n’était pas une exception… « Un signe apparaîtra devant toi », lui avait-on appris…Il fixait l’horizon pour ne pas rater la brèche. Il était prévu que s’ouvre une porte, un passage en quelque sorte. Il ne savait pas vraiment où. Il ne savait surtout pas quand. Il savait que le pont qui lui donnerait accès à la Terre se révèlerait ici. Il avait une mission importante à y effectuer…Cette ouverture n’apparaissait que tous les deux mille ans, à peu près…Il ne fallait pas la laisser passer !

Les heures passaient comme l’eau qui coulait à ses pieds, lente, en silence… Il remarqua des mouvements réguliers qui ondulaient à la surface. Il n’était pas rare, dans ces contrées de rencontrer des créatures étranges. Elles n’étaient jamais hostiles. Il observait ce manège, curieux et amusé. Parfois, il entendait de petits clapotis, et des bulles d’air qui éclataient, en rire groupé, dans des notes de musique. Parfois, il sentait sur sa peau le frisson délicat d’une douce berceuse, celui qui glisse amoureusement quand l’éveil se rend au sommeil mais que l’œil implore quelques secondes encore… Une fois, il s’approcha de la rive.

Il vit son propre reflet, et juste après, il vit le visage d’une jeune fille qui lui souriait…Ses yeux d’un bleu-argent contrastaient avec l’eau noire. De ses hanches, tombaient deux courbes en écailles émeraude qui s’achevaient en nageoire. Il voyait dans son regard le tout et le rien, le commencement et la fin. Les dents blanches de la sirène mordaient dans l’esprit de l’ange, une morsure que seule sa bouche humide aurait su goûter. Elle était belle.

Dans une éclaircie magique, le jour se fit. La beauté découverte façonnait tout à l’entour. De l’apocalypse, l’environnement devint merveille. Le soleil en paillettes flottait autour d’eux. La vie se réveillait, l’oiseau au ciel, l’agneau sur la terre et, sur l’eau, dansaient un cygne et quelques canards. Il était heureux.

Quand le ciel s’ouvrit hurlant par orages la douleur de sa plaie béante, l’ange ne bougea pas. Quand le pont s’offrit comme la récompense de ses efforts, comme l’espérance à tire d’ailes, l’ange le désavoua. Il ne pouvait quitter cette vision d’amour qui s’étendait, cette promesse de passion qui l’attendait. Et alors que le ciel pansait sa blessure, alors que le pont s’effaçait, la sirène lui prit la main et lui murmura : « Allez, viens…en attendant le prochain… »

©Emilie BERD 13 mai 2016

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