Certaines choses ne changent jamais (ou un lundi de rentrée comme les autres)

 

Combien de temps faut-il pour que la conscience se pointe dans un rêve tendre et douillet? Mis à part quelques neurologues sadiques dont le trip serait de réveiller les gens en les obligeant à dormir avant (avec un bonnet de nuit ridicule pleins d’électrodes, c’est le pompon !), je pense qu’à cet instant Zzz, il serait plus pertinent de jouer au hérisson dans ses draps que de tenir un chrono… Enfin, ça n’engage que moi (même si je crois deviner une sorte de consensus à ce sujet).

Alors, pour la suite du développement, on va dire une seconde. Effectivement, si on est pointilleux, on peut arguer que ça varie d’une personne à l’autre :

Il y a les fringants qui sautent de leur lit, bondissent dans leurs habits façon  Aujourd’hui, je sauve le monde , et puis parce que « après tout on est lundi, c’est le début de la semaine, en plus, on a de la chance, il ne pleut pas et le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt »… Sauf que, à ces gens-là, laissez-moi leur préciser que John Maclaine leur aurait mis un bon taquet s’il avait dû avaler son café devant de tels moulins à paroles…

Il y a les indécis qui, évoluant en plein paradoxe, réussissent la prouesse d’être totalement réveillés tout en restant au lit…ceux-là même qui, l’imagination bridée par trop de films dans lesquels le pouvoir de l’esprit résout tout, se disent qu’avec un peu de chance, en se concentrant très, très fort, ce lundi matin se changerait en dimanche matin… Bref, des passionnés de voyages dans le temps et autre science-fiction mais qui zappent la catégorie Anticipation…

Il y a aussi les désespérants qui ne tombent du lit qu’après trois salves de buzzer et qu’avec la pression  d’un tiers talon qui les pousse vers l’extérieur (Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé…)

Donc, disons, une seconde pour que la conscience se pointe dans ton rêve. Elle s’immisce au milieu de ton soleil, chaud comme un baiser avec la langue et rond comme une boule de sorbet au citron… Et c’est dommage parce que, de là où tu étais, tu commençais presque à entendre le bruit des vagues mourantes sur la plage…Pas très loin de tes orteils qui, soit dit en passant, essayaient de se donner un air espagnol à faire sombrer Antonio Banderas…

Mais ce son tendre et amoureux qui chatouillait un peu tes oreilles et t’arrachait même un sourire dans ton sommeil s’est mué en cri infâme, flamenco infernal, l’éventail évincé, remplacé par des castagnettes à te fendre le crâne… Le hurlement d’un monstre sans pitié qui n’est autre que cette terrible réalité, toujours et encore : Le réveil et son alarme…

Le réveil, un des pionniers de l’esclavage moderne… Peut-être un des rares objets de notre panoplie d’ho.fe.mme pressé.e (…) pour lequel aucune obsolescence n’a été programmée. C’est bête ! Pour une fois que ça aurait pu servir à quelque chose ! Pour une fois que la fameuse panne aurait eu un soupçon de crédibilité, car sans se mentir (Et non, ça n’arrive pas à tout le monde !), les pannes sont au réveil ce que la chute est au cheval, errare humanum est.

Ce matin, de toute façon, il n’en est pas question… La lumière qui baigne l’espace vient des rayons qui rentrent par effraction entre les interstices de la fenêtre et alors intervient la réflexion…la pause nécessaire avant toute autre décision : Ouvrir les yeux…

Evidemment après quinze grasses mat’ (une par jour), la peau de tes paupières, habituellement fines et douces, s’est, à cette heure matinale, transformée en papier de verre.  (Cela fait longtemps que je n’ai vu ni touché ce truc… Dans le genre ponçage, je suis plus lime à ongle que papier de verre, même si j’ai très rapidement pas pied après quelques verres… Désolée…)

Ouvrir les yeux, un jour de rentrée…Ouille, ça fait mal ! Et tu le fais quand même parce que tu y crois (pour les fringants) ! Tu le fais quand même parce que tu n’as pas le choix (pour les autres) !

La vue retrouvée et la vie devant soi, tu hisses le pavillon… Et pendant que la cafetière gueule le café bien plus qu’elle ne le fait, tu traverses la cuisine en te frottant les yeux (Erreur de débutant : ça pique encore plus), direction la salle de bain, dans laquelle tu évites avec toutes les précautions d’usage le pèse-personne (retour de vacances…)  Tu te douches avec une dernière pensée pour ce macho ibérique, qui, après tout te faisait de l’ombre…

Comme tu répètes depuis maintenant 23 jours à ta tribu « En avril, ne te découvre pas d’un fil », et que le « Garde ton casque de ski sur la tête ma chérie, oui, Maman n’en porte pas mais c’est à cause de son brushing, » n’a jamais marché, tu enfiles un pull et tu serres bien ton écharpe autour du coup…

Tu sors de la pièce en jetant un regard rapide au reflet dans le miroir (Quelle connerie, cette crème anti-rides ! Faudrait investir dans une crème minceur !). Et tu retournes dans la salle à manger où ta tribu rose réunifiée à table (La bleue étant déjà au taf ! Y en a qui bosse !!!) rumine sa nuit et quelques céréales… Tu fais le tour de cette quinzaine plutôt réussie… Tu te sers une tasse de café…Tu regardes la vaisselle dans l’évier et te souviens avec nostalgie qu’hier soir, c’était encore les vacances… Tu goûtes ton café… Il est 7h40. Dans 35 minutes, les filles vont à l’école…Tu te dis que ce n’est pas la peine de se précipiter au club de sport ce matin, que ça peut attendre demain… Tu bois une nouvelle gorgée de café…

Encore un peu endormie, les yeux à moitié pleins de lune, elle se retourne vers moi : « Maman, je n’ai pas fini mes devoirs ! Je dois lire le livre que j’ai emprunté à la bibliothèque et je ne l’ai pas fini… »

Il fait grand bleu dehors et pourtant l’air devient électrique. Tu refais mentalement un condensé des vacances en tentant de te souvenir la dernière fois où tu as dit « Faîtes vos devoirs ! » Et là, alors que rien ne bruisse, même pas le vent dans les feuilles toutes neuves de printemps, quelque chose s’écrase dans un boucan de dingue : tes ambitions de mère modèle qui s’effondrent.

Alors quoi ! Jurer par tous les Dieux que, désormais, on ne m’y reprendra plus… Dire à la fontaine que je ne boirai plus de son eau… Faire serment que, dès le vendredi, tous les devoirs seront faits et bien finis… Que nenni !

Accepter son sort et avancer parce que Morphéus avait raison, il y a des choses dans ce monde qui ne changeront jamais.

© Emilie BERD 23 avril 2018

GIFs : giphy.com

 

8 réflexions au sujet de « Certaines choses ne changent jamais (ou un lundi de rentrée comme les autres) »

  1. J’adore ce billet illustré de GIFS comme au bon vieux temps de la grande prêtresse Aspho et de sa revue des Plumes…
    En tant qu’ex-maman de trois mambos, j’ai revécu des scènes épiques de veille de rentrée (que tu racontes de manière fort amusante) et je ne suis pas mécontente de te dire que ça s’arrête un jour, pour notre plus grand plaisir..
    Courage, bisous et bonne rentrée ma luciole.
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  2. Ben te voilà bien en forme d’un point de vue des mots , à défaut d’être au taquet dès que le réveil sonne le matin !
    Je n’ai pas tous suivi concernant le passage ibérique mais c’est normal, la vie rêvée est ainsi !
    Bon ok c’est la rentrée mais il y a le pont du premier mai et après la semaine avec 2 jours fériés dedans…on a connu pire ! Et puis , l’Amérique se profile tout tout doucement…
    Bisous.

    Aimé par 1 personne

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