Ce mois-ci, c’est Anne de Louvain-la-Neuve qui tient l’Agenda Ironique. Ainsi, elle nous avait proposé plusieurs contraintes
1/ un titre imposé : « C’était à … faubourg de… dans les jardins de ou d’…. ».
2/ Deux illustrations dont nous devions nous inspirer. Je me suis spécialement arrêtée sur celle-ci. (Anne n’ayant pas manqué d’indiquer pour l’introduction de cette consigne : »Ces illustrations vous aideront ( ?) peu ou prou.« , je vous informe tout de suite que j’ai choisi le « peu« !)
3/ Et enfin (jamais deux sans trois, comme on dit) les mots suivants étaient imposés : cannibale, fourbir, niquedouille, praliné, rentable, sautiller, tellurique.
Voici donc ma participation in extremis!
C’était jadis, faubourg des Illusions Perdues, dans les jardins des Dames. Tu te souviens?
« – C’était jadis, faubourg des Illusions Perdues, dans les jardins des Dames. Nos images en noir et blanc réjouissaient petits et grands…Tu te souviens ?
– C’est si loin… Les couleurs, à présent, ont gagné cette guerre. Puis le numérique, la TNT…Une fulgurance explosive à laquelle nous n’avons pas échappé !
– Les couleurs sont les flambeaux qui nous ont offert un triomphe, ne l’oublie pas. Des contrastes de plus en plus nuancés se font désormais sous la pulpe de leurs doigts…Comment dire non au progrès ?
– Un triomphe ! Reléguées dans une grange, comme des antiquités !
Comme si on nous avait laissé le choix, en plus ! Le temps semblait maussade, c’est vrai…Mais il ne laissait pourtant pas notre moral sur le carreau…
Au fond, je ne sais pas si cela change grand chose… Les téléspectateurs s’offusquent toujours des amours cannibales de la mante religieuse. Ils pleurent devant les adieux inondés des amoureux en transit…Ils s’effraient des actualités qui se suivent et se ressemblent…Et la météo…
– Certes, les nœuds des foulards chics se délient comme avant, laissant paraître des mèches dorées, pralinées ou foncées de cheveux volant, mais fourbies avec le vent. Il y a tout de même une grande différence, je trouve…Les paillettes brillent, le soleil éblouie…
– Ouai ! Peut-être ! Mais tout ce qui brille n’est pas d’or ! Les fenêtres n’étaient qu’un point de vue supplémentaire, l’écran n’était que le créneau pour observer sans être vu. Maintenant, les fenêtres s’ouvrent vite et grand…L’intérieur et l’extérieur se confondent. L’intime est jeté à la face du monde. Alors que le nombre de canaux multiplie les chaînes à leurs chevilles, les fortifications et les murs sont tombés, transformant la courbe tellurique en une simple virgule…
– Tablettes, smart-phones…Nos rejetons l’ont conquise cette virgule !
– Au prix de quelles concessions, de quelles alliances !!! Admettons que nous étions les premiers à leur donner ce pouvoir. Alors, dis-moi ! Ne sommes-nous pas responsables ? Nous les protégions pourtant, dans notre paysage noir et blanc ! Sans le rouge du sang, sans le vert des armées ! Et nous les mettions à l’abri des bruits mystérieux.
– Voilà, tu te remets à parler du cinéma muet ! Tu nous fais une réminiscence…
– Non, ce n’est qu’une analogie !
– Les enfants sont montés pour visionner « Robin des Bois » en VHS ! Je ne suis pas aveugle ! Impossible à rater : l’image était désastreuse et le son… Mais ils s’en foutent, eux, de la couleur et du reste! Ici, ils sont heureux ! Et ils peuvent sautiller et grignoter tant qu’ils veulent sur le vieux canapé ! Ils nous ont épuisées ! On a veillé tard …Quelle heure est-il ?
– Il est 2 heures et tout va bien !!
– Tu vois ! Une réminiscence !! Tu te prends pour Niquedouille ! Débranche, enfin !
– Plus ça va, plus je me souviens de tout ce qui passe ! Ce n’est pas bon signe !
Je ne suis même plus bonne pour le recyclage !!!
– Mais si, mais si ! Et puis, Il nous vendra peut-être !
– Ma mémoire est cahoteuse et mon tube n’est plus à la mode, mais je suis certaine d’une chose, nous ne sommes plus du tout rentables, ma chère ! Le recyclage, c’est bien…
– Tu parles d’un programme ! Finir en pièces détachées !
– Pour un beau voyage…Pour changer de vie…
– On pourrait peut-être envisager un coming out…Leur faire comprendre…
– A qui donc?
– Aux hommes!
– Et ne plus pouvoir rêver ?
– Dire qu’ils inventent une Intelligence Artificielle !!
– Ne te moque pas ! Ils ne savent pas…Après tout, ce n’est pas plus mal qu’ils en inventent une d’intelligence…Ils en ont cruellement besoin ! »
©Emilie BERD 24/06/2016
Deux écrans de télé qui discutent, radotent, se souviennent de ce que nous avons oublié, rêvent, et nous renvoient notre terrible manque d’intelligence, même artificielle…. Il n’y avait qu’Emilie pour le faire et elle l’a fait !
Excellent !!
tu devrais écrire des histoires…. 🙂
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Hi Hi Hi! Merci Carnetsparesseux ! Je craignais que ce ne soit un peu trop nébuleux! Surtout avec un titre imposé, tsss😄😄😄
J’ai ecrit deux histoires sur mon blog, debut juin. J’dis ca, j’dis rien…😄😉
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C’est vrai que quand le tube est foutu, on peut s’attendre au pire. Dialogue de fin de parcours, hop, avant le cortège funèbre, snif. Merci Emilie d’avoir participé à cet agenda ironique sur le fil du rasoir ! Et puis le coming out, je me demande ce que ça aurait donné…
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Merci à toi d’organiser cet agenda ironique! Je n’ai plus qu’à lire les textes des autres participants! L’idée de ce coming out me fait frissonner!
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Ping : Les textes de l’agenda ironique de juin 2016 | Anne de Louvain-la-Neuve
Il n’y a vraiment que toi pour donner une âme à deux vieilles télés…
Mais je trouve cette histoire pas très cathodique, quand même !…muaha !
¸¸.•*¨*• ☆
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😉Mouhaha! ❤️
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C’est un conflit générationnel insoluble, bizarrement le temps ne cesse de passer, les choses de disparaître, et la vie de continuer. C’est la mort dans l’âme que ce rouleau compresseur du cathodique face à la plate forme des écrans numérisés nous fait vivre. Et vieillir, n’est-ce pas mourir un peu ? C’est vraiment bien insoluble, cruel dilemme !
J’ai résolu tout état d’âme en n’allumant plus la télévision depuis déjà une certaine somme d’années, et je trouve la vie tellement plus confortable depuis.
C’est superbement conté, j’ai cru être avec l’âne et le bœuf dans la crèche à un moment donné.
De plus, il y a matière à débat dans ton texte. Ce qui porte à réfléchir.
Je suis du parti d’en tirer parti, la pièce gardera toujours deux côtés. Apprenons à nos vieilles télés la joie du modernisme.
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Merci beaucoup Jobougon! Oui le texte enfonce plus de portes ouvertes qu’il n’en ferme😄 Une certaine façon de ne pas se mouiller et de conserver des possibilités. Je m’étais bien amusée à l’écrire.
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Jolie idée que ce dialogue noir & blanc sur fond d’illusions perdues 🙂
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Merci Laurence Délis!
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Doucement ironique cette fin , un peu aigre-douce 🙂
Il faudrait aussi avoir l’avis des rejetons : Tablette et Smartphone …c’était mieux avant ?
Bisesss
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Un brin nostalgique, oui…Pas des écrans en particulier mais d’une certaine insouciance. Une bonne idée pour la suite!!
Bises Val
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souvenirs, souvenirs, on a frôlé l’implosion. J’ai longtemps vécu sans télé et je m’en portais bien mieux, mais je parle aussi d’un autre temps ou je pouvais être sans cesse en mouvement sans forcément avoir de courbature ; aujourd’hui même regarder le patinage artistique me donne mal aux jambes ! pffffffff comme on était comme on est devenus ma pauvre. Tiens tu as ouvert la boite de Pandore, ma chère !
Bisous
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Hi Hi Hi! Ben oui! Cela ferait un beau dialogue, aussi! Et je ne te parle pas de mon dos qui a commencé à me jouer des tours (de rein) alors qu’avant aucune douleur…meme pendant les grossesses (à moins que…)😂
Gros bisous Monesille
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J’aime beaucoup ce texte ci, plein de belles images, qui alternent le triste (le noir et blanc) et le plus gai (en couleurs), même si c’est le triste qui l’emporte…
Bisous et bravo !
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Merci beaucoup MTG!!
Bisous
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