Non, non, non ! Je ne vais pas, là, entamer une longue série de chroniques de livres. La crainte de trahir mes lectures est plus vive que l’envie de les partager… Ecrire sur un livre que je n’ai pas aimé, alors que je suis incapable de construire une histoire de plus de deux pages est, à mes yeux, commettre un délit de jalousie. Ecrire sur un livre que j’ai aimé comporte un risque d’approximation, d’infidélité qui (pour moi et rien que pour moi) me semble insupportable. En bref, je trouve l’exercice périlleux, dans un sens comme dans l’autre.
Et voilà que le vieux bonhomme barbu a laissé sous mon sapin une multitude de bouquins. Le roman Délivrances de Toni Morrison en était… Comme il a bien fallu que j’en lise quelques-uns, c’est un peu par hasard que j’ai ouvert ce livre…Et une secousse a retourné mon métabolisme dès les premières phrases.
Je ne connaissais pas cette auteure et je me serais auto-flagellée de ne l’avoir lue plus tôt si le temps n’était pas de mon côté (Enfin, je pars de ce principe, il rend tout de même la vie moins triste). Si l’on ajoute à cela que je ne sais que depuis trois jours, alors que j’avais refermé le livre (en sirotant ma tisane à la verveine devant Le Petit Journal de Yann Bartès) qu’elle est Prix Nobel de Littérature (En 1993 ! Ne me jetez pas la pierre, j’ai découvert Katy Perry il y a quelques mois !), vous comprenez ma confusion!
Au bout de la deuxième page, j’ai été complètement saisie par le style de Toni Morrison, une écriture élégante mais sans concession, et dont les phrases même dures sont de véritables poèmes.
Autant le dire, sa plume m’a fait l’effet d’un coup…pas l’effet d’un coup de cœur, ni d’un coup de foudre…celui d’un coup de poignard !
Plutôt que de vider la chambre de Mambo 3 pour la réserver au culte inconditionnel de l’auteure, je me suis dit qu’il valait mieux partager mes émotions, parce que d’abord la chambre en question est trop petite et ensuite que le traumatisme de mes Mambos enrichirait (au mieux) des générations de psy en tout genre !
Et des traumatismes, c’est bien de cela dont parle l’auteure. De ceux qui causent des blessures dont la cicatrisation lorsqu’elle est possible est douloureuse, de ceux sur lesquels se construit une identité bancale, qui tracent des chemins tordus et torturés. Des abus et des mensonges passés qui habitent les personnages du roman, et dans lesquels Toni Morrison nous emmène et nous accompagne jusqu’à la sortie du labyrinthe. Parce que dans ces dédales sombres voire sordides, pavés d’outrages physiques et moraux, il y a une sortie, une délivrance.
Lula Ann est une petite fille noire, d’un noir bleu et profond, d’un noir puissant sans équivoque qui met sa mère, métisse, dans une position inconfortable…Le père se barre, croyant à un adultère et la mère cache son dégoût derrière des nécessités sociales et les réalités racistes. S’en suit une mise à distance délétère.
Et pourtant, Lula Ann va réussir sa vie. Elle fera carrière dans le cosmétique et mènera la grande vie…Le passé qu’elle provoque, parce qu’elle n’a pu l’effacer malgré tous ses efforts, va la contraindre à replonger dans les profondeurs de son enfance…pour mieux s’en dégager.
Dans ce roman, il n’y a pas d’introspection grandiloquente ni de lenteur inutile mais des sursauts intérieurs qui de rebonds en rencontres, sous la plume magistrale de Toni Morrison, libèrent des chaines ancestrales.
J’ai, après de houleuses discussions internes, choisi de ne mettre aucun extrait…Ainsi, si comme moi, vous vivez à l’abri dans une caverne et n’avez jamais lu un livre de Toni Morrison, alors le choc sera intact.
©Emilie BERD 5 février 2016
Je n’ai encore jamais lu Toni Morrison… tu me donnes sacrément envie!
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Je te le conseille! Vraiment! Pour moi, il y a un « avant » et un « apres ». Sa façon d’écrire est formidable!
Bises Nadège
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Je connais des fans comme toi mais le seul livre commencé d’elle « Home » m’était tombé des mains ! Bon ça peut arriver même avec les meilleurs (la preuve^^) alors je pense que celui-ci, après ce que tu en dis ne pourrait que me plaire ! Je le note, il est déjà plus ou moins noté mais dès qu’il sort en Poche, j’ai une PAL à descendre môa Madame !!! 😆
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C’est le seul livre que j’ai lu d’elle. Je pense ne pas m’arrêter là mais vu son style je n’ai aucun mal à te croire…C’est ce que je crains en lisant d’autres livres d’elle, d’ailleurs.Je l’ai prêté, mais comme tu as le temps apparemment (😂), je pourrai te l’envoyer quand je le récupère!
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Et si si tu devrais faire des chroniques plus souvent, tu fais ça très très bien quels que soient tes réticences ! 😀 Ne te pose pas trop de questions et évacue ce que le livre t’a procuré (ce que tu as fait là et très bien) !!! On en redemande ! 😉 Bisous.
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Merci beaucoup Asphodele! Je trouve l’exercice difficile quand même. Mais si ça t’a plu, je suis contente!
Bisous
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Vous en parlez très bien, en dépit de vos réserves (justifiées, qu’il est délicat de parler des livres qu’on a aimé et plus encore de ceux qu’on a détesté)
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Merci Francis. Si je récidivais, ce serait pour un livre que j’ai aimé.
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J’aime bien ton entrée en matière !
Si tu as fait une chronique c’est que ce livre t’a vraiment scotchée. Je vais le noter du coup, j’ai vu un autre billet récemment sur ce titre, je ne sais plus où.
je sais juste que ce livre a un un grand succès.
Bisous
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Merci Mind The Gap Effectivement, le style m’a bouleversée. L’histoire est très bien aussi, mais c’est surtout sa façon d’écrire qui a été un choc! C’était chez Philisine Cave, je crois.
Bisous
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Ha mais oui…chez Lama Phili ! Raison de plus pour noter ce livre alors !! 😀
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tu en parles si bien que je note le titre de ce livre. Je ne connaissais pas non plus l’auteure (ça me fait toujours bizarre de mettre ce nom au féminin.)
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Moi aussi, cela me fait bizarre de mettre auteur au féminin, alors que c’est un nom commun…J’ai hésité lorsque j’ai écrit le billet mais compte tenu du prénom de l’écrivain…
Bisous
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Oui. Il faut qu’on s’habitue à un nouveau vocabulaire. Mais pour moi qui suis bien plus âgée, c’est plus difficile.
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Je viens de finir ce livre et je l’ai choisi parce que ta chronique m’a donné envie de le découvrir ; Alors un grand merci car j’ai découvert une écriture étonnante , aussi crue qu’elle peut être poétique, aussi dure qu’elle peut être tendre. L’amerique dans toutes ses dérives violentes, la rudesse des rapports. Un grand moment!
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Tu as su dire ce que je voulais transmettre.
Bien heureuse qu’il t’ait plu!
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