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Voici ma participation aux Plumes n°48 d’Asphodèle.
Les mots imposés étaient :
Jour, gentillesse, motivation, coupable, fer, almanach, visite, éparpillement, dilettante, farandole, insomnie, maison, passe-partout, plaisir, poésie, éclaircie, tempête, mélancolique, serpillière, agacement, chaleur, respirer, minuscule et syncopé.
LA STATUE ET LE POETE
Des agents municipaux l’avaient installée là un printemps.
Au début, elle était flattée ! Malgré sa figure triste, elle recevait énormément de visites. Pour un peu, on aurait pu la prendre pour une dilettante. Elle avait tant d’admirateurs ! On l’avait même prise en photo pour l’almanach annuel du département! Elle avait pourtant bien conscience de sa situation ! Evidemment, elle n’avait pas le choix, elle était tout le temps sur le pont ! Aucun répit ! Aucun congé ! Par forte tempête ou sous de grandes éclaircies, par canicule ou sous des heures glaciales, ce parc était sa maison, son piédestal était sa croix!
Puis, tout s’est vite dégradé…
Les farandoles d’enfants à lui donner le tournis ! Les ivrognes crachant sur sa robe ! Les coureurs qui, pour un pas malchanceux, raclaient leurs semelles sur son socle comme sur une vulgaire serpillière ! Sans parler des mains passe-partout…
Elle tenait le coup, restait debout, mais elle s’épuisait…Elle n’éprouvait plus de plaisir à faire la belle, plutôt une envie de se la faire, la belle !
L’avantage de sa position était que son manque de motivation était imperceptible. L’inconvénient était qu’elle était vouée à l’immobilité.
Voulant tout de même exprimer son agacement, elle commença à faire des blagues aux passants. Le regard statique de certains, lui renvoyant le sien en plein visage, la mettaient en rage, et elle essayait de loucher. Les cris des enfants l’assourdissaient, faisant résonner en elle son silence éternel, et elle essayait de hurler.
Elle n’était pas sûre du résultat…Ce qui était certain, c’était la raréfaction des promeneurs ! Elle était tranquille désormais…jusqu’à ce que quelqu’un à la Mairie comprenne que c’était elle, la coupable. Et on l’a mise aux fers un petit moment.
Les ouvriers chargés de la restaurer avaient cherché une façon de mettre un peu de gaieté sur son visage. Ne serait-ce que l’esquisse d’un sourire ? Mais le budget n’était pas grand et le risque de dommage important.
Le bilan coût-avantage ayant parlé, on l’installa, rénovée, à sa place triste et seule…
Il y avait toutefois un promeneur, probablement victime d’insomnie, qui la sortait de sa langueur mélancolique. Il s’attardait à ses pieds. Il la regardait, longuement…et lui murmurait de belles phrases. Elle se laissait aller à sa douce poésie. Elle sentait presque la chaleur lui monter aux joues. Enfin, elle avait droit à de l’attention, à de la considération, de la gentillesse…Pendant quelques semaines, il vint toutes les nuits. Elle pouvait le sentir respirer, pendant qu’il lisait ses minuscules bouts de papier à la lumière faible des lampadaires. Elle se surprenait à rêver… A qui donc étaient destinés ces mots ? A elle, peut-être… Que celui qui n’y a pas pensé lui jette la première pierre ! N’était-ce pas normal, pour elle, de se sentir concernée lorsqu’un homme vient jusqu’à vous en pleine nuit murmurer des choses tendres ? N’était-ce pas logique, pour elle, de se prendre au jeu de celui qui, bravant les grilles du jardin public, la chérissait! Mais elle n’était pas si sotte ! Elle savait bien qu’il apprenait ses textes pour déclarer sa flamme à une femme, une vraie, une qui saurait ne pas rester de marbre devant de telles déclarations !
Elle réfléchissait, pendant ses absences, à une solution quelconque… Quelle potion magique ? Quelle âme à vendre ? Quelle prière à Dieu ? Celui qui l’avait créée ne pouvait prévoir qu’un cœur pouvait battre dans ce corps rigide… Comment aurait-il pu savoir, cet être morose et prétentieux… Mais lui, il était différent…
Alors qu’une nuit, semblable à la nuit d’avant, il lui tenait compagnie, il fut surpris par le gardien du parc. Elle se souvenait de son souffle syncopé, de sa main lâchant les petits papiers. Elle se souvenait, dans l’éparpillement, avoir reconnu la photo de l’almanach. C’était donc, elle, sa muse !
Il ne revint plus. « Il avait honte de sa fuite, songea-t-elle. Ou alors, peut-être avait-il avoué leur passion, ce qui pour le monde, aurait évoqué d’inquiétantes hallucinations ! » Abandonnée par son poète, la vie autour s’était figée. Et elle se sentait plus vivante que jamais ! « Un jour, un fou a su m’aimer » se dit-elle. Et depuis, elle sourit.
©Emilie BERD 15/01/2016
700 mots
Il nous faut nous pencher davantage sur les statues au froid destin. Très belle écriture Emilie. Même le diable en est ému (Prévert et Carné, la fin des Visiteurs du soir). Bravo.
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Merci beaucoup ! Cela me touche énormément!
Elle est très attachante, cette statue! Pas étonnant que l’on tombe amoureux d’elle !
A bientot
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Ah…l’amour… »Qui rend leur chair de femme
Aux plus froides statues, es bascule de leur socle,bouscule leur vertu,arrache leur feuille de vigne… » (Brassens, Pénélope)
Je suis heureuse de commencer mon tour des plumes par toi, ma luciole.
¸¸.•*¨*• ☆
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Depuis que je me suis remise à écrire, mon cher et tendre ne cesse de me répéter « Réécoute Brassens, relis Brassens! » Effectivement, il va falloir que je l’écoute plus attentivement!
Merci chère fee
Bisous
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« LES bascule », bien sûr…
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« Un jour un fou a su m’aimer » quelle chute ! Adorable statue pas tant de marbre que d’émotion pétrie !
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Merci beaucoup Monesille!
J’avoue que vendredi, le poète de mon histoire est mort à plusieurs reprises! Jusqu’à ce que la fin me tombe dessus! Je ne pouvais pas me résoudre à le tuer! 😄
Bises
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Quand l’écrivain s’attache à ses personnages c’est qu’il leur a donné son âme…
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Belle histoire, très émouvante et d’espoir débordant ! Originale, l’idée de la statue qui est le personnage central.
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Merci beaucoup Merquin!
J’ai cherché quelque chose de positif, même si mon imagination est généralement plus sombre!
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Quelle belle histoire et d’une fluidité confondante ! J’adore l’idée qu’une « chose » en pierre s’anime (c’est comme de rentrer dans un tableau), c’est émouvant, c’est comme si tu lui donnais une seconde vie ! J’aime beaucoup ! « Les mains passe-partout », warf !: 😆
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Asphodele
Merci beaucoup!!
Comment ça « confondant »! Désormais je ferai une analyse apprendre de chaque comm😄 Je plaisante, évidemment!
Je me suis posée la question d’un amour qui commence vraiment…mais je ne savais par quel miracle la retirer de son socle, à moins d’une contrepartie terrible!
J’ai hésité à écrire que j’avais utilisé « passe-partout » d’une façon un peu…comment dire…pas académique 😄
Bisous
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Comme l’histoire d’une autre vie ou la statue se serait animé pour vivre de l’amour !
C’est beau cette histoire ! Ces pauvres statues , en fait, elles ont , qui sait, peut être une Ame cachée ???
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Ghislaine, j’y crois, moi!!😄
Bises
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Et elle se plaignait il y a deux jours qu’elle ne savait pas quoi faire pour ces plumes là… Elle ? qui ça déjà ? Certainement pas Emilie !! 🙂
Splendide.. et la chute ! J’aurais bien aimé l’écrire, cette histoire là. Ne t’étonne pas trop si tu la revois passer, à peine maquillée, sur les carnets…
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Roo! Tu te moques!
C’est toi qui m’a donné l’idée de prendre une de mes idées d’histoire pour les Plumes, hein?!
Bon, en tout cas, je serai flattée! Et merci pour tes encouragements!
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je trouve aux statues , aux pierres sculptées un charme inouï . cette histoire bien tournée pourrait être une belle allégorie, un conte fantastique où la poésie rend tout possible , même de donner un coeur à un corps de pierre.
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Mais elle en a un cœur, pour de vrai😉
Merci Dominaco
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N’est-ce pas ce qui s’appelle le syndrome de Stendhal ?
Beau texte, en tout cas… ❤
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Euh…Martine, il va me falloir un cours là! Qu’est-ce donc que ce syndrome?
Merci beaucoup
Bisous
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Très sympathique, ton histoire de statue !
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Merci Brize
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Une statue vivante qui nous pousse, comme toujours, à réfléchir bien au-delà des mots et des images. Jolie participation plumesque ! Bon dimanche 😉
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Merci beaucoup Thiebault !
Bon dimanche aussi!
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Une statue émouvante …. Qui ne laisse pas de marbre … Et quelle magnifique conclusion 🙂
Bon dimanche Emilie 😀
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Merci beaucoup Val!
Je me suis un peu attachée à elle, je crois!
Le debut d’une saga « la statue à la plage », « la statue en classe de neige »…😂
Bon dimanche à toi aussi!
Il a beaucoup neigé ce matin! Mambos 1 et 2 sont partis au ski avec leur Papa et on a fait de la luge dans le jardin avec Mambo 3!
Bises
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Muhaha , le statue en classe de neige 🙂
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Ou en classe verte (rapport à tes belles nuances) 😄
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Et moi-aussi je souris de tant d’émotions
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Merci beaucoup Patchcath
Je viens bientot lire tes mots toujours doux!
Bises
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J’aurais aimé savoir ce que le gardien du parc a dit à notre amoureux fou… C’aurait pu être un dialogue de sourds. LOL
Beau dimanche!
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Le gardien était un peu jaloux! Il la considérait à elle, il devait la protéger et l’aurait eue pour lui seul, la nuit, si ce poète ne s’était pas tapé l’incruste😄
Ce dimanche est bien enneigé alors il a très bien commencé😊
Beau dimanche à vous aussi!
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Belle histoire , originale et tendre…qui aurait pu penser à ça ?? Mais pourquoi le poète, même surpris a t-il fuis ?? Tu as raison, il était bien fou, on ne fuit pas devant une telle passion même si elle éclate au grand jour.
PS: Moi non plus je ne comprends pas ce que dit Martine… 😀 😀
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Merci beaucoup Mind The Gap!
Il fuit parce qu’il fait n’importe quoi et parce qu’il est libre, lui, contrairement à l’objet de son amour!
Tu me rassures pour le syndrome de Stendhal…J’attends la réponse du professeur!😀
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Ha mais attends, peut être elle parlait de la cristallisation ! ! !
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De kouah!!!! Roo, j’comprends rien, moi / D 😀
Alors en fait le syndrome de Stendhal (ou syndrome de Florence) est une maladie psychosomatique, disons, avec palpitations, …, et hallucinations chez certains personnes qui regardent des d’oeuvres d’art…
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ok…houla bien compliqué mais je vois. La cristallisation c’est quand tu tombes amoureux , tu cristallises, tu vois un reflet idéal de la personne aimée qui t’obsède presque…le début de la passion quoi ! Après…je me disais que peut être ton poète cristallisait sur la statue… 😀
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Heureuse statue! Elle au eu son Pygmalion!
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j’ai souvent pensé que ces statues auprès desquelles on s’attarde plus longuement que convenu, savent l’attrait qu’elles peuvent exercer sur leurs admirateurs. Je me souviens à Rome, villa Borghese, Pauline Borghese née Buonaparte : protégée par des cordons pour que les gens ne puissent plus lui caresser la croupe enfin, la cambrure de ses reins ! 😀
Et personne ne lui a demandé son avis ! Peut-être qu’elle aimait ça, la coquine ! 😀
bisous , je repars sur les commentaires que j’ai faits chez moi et que, heureusement, je peux corriger, j’étais sur l’iphone pour lire et impossible de le faire de là ! 😉
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Magnifique ! 😀 J’y penserais la prochaine fois que je passerai devant une statue. ^^
Bises 😀
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Merci beaucoup Ceriat!
Bises
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