Détresse maternelle (épisode 2)

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Cela fait aujourd’hui 19 jours que les « évènements » au cours desquels 17 personnes      « ont disparu » ont eu lieu… Les « évènements »… « ont disparu ».
Entre autres choses, la langue française a aussi ça de chic : les euphémismes.
Très pratiques, les euphémismes ! Le politiquement correct à l’heure des débats électoraux, le principe de précaution verbal, l’auto-censure au goût de liberté…ou comment édulcorer par quelques mots la brutale réalité…
Selon le Larousse Junior 2013, l’euphémisme se définit comme une : « expression que l’on emploie à la place d’une autre que l’on juge trop direct ». La version adulte de la définition indique un adoucissement d’une expression trop crue, trop choquante…

Je fonde mon travail de tous les jours, ma préoccupation permanente, mon inquiétude viscérale (l’éducation de mes enfants, hein!) sur l’esprit critique.
En pêle-mêle, dans le désordre, voilà quelques petits indices (liste non exhaustive !!) que l’on glisse pour encourager le raisonnement :
– Eviter les conclusions trop rapides,
– Réfléchir aux multiples vérités qui coexistent souvent,
– Ne pas s’arrêter aux apparences trop trompeuses,
– Sortir des clichés trop faciles,
– Se méfier des comportements  linéaires et conformistes.
Bref, malgré les discussions sans fin et les répliques frôlant l’insolence, en dépit des migraines et des dépenses massives en antalgiques que cela occasionne, leur apprendre à penser… (Et oui, parce que penser, ça s’apprend…)
La pensée, ce super pouvoir qui porte l’imaginaire jusqu’au plus profond respect de l’autre, jusqu’aux plus grandes prouesses techniques…
La pensée pour grandir, la pensée pour s’adapter, la pensée pour être…

Mais, alors quoi ?
Me serai-je donc trompée ? Des questions nouvelles troublent mon esprit.
« Oh Capitaine ! Mon capitaine ! »(1)
Me suis-je assoupie ? Ai-je raté quelque chose d’important ?
Dois-je enseigner dorénavant la censure, la paranoïa, la dénonciation en ligne de conduite?
Dois-je éteindre les lumières pour vivre dans la peur du noir ?
Dois-je oublier Voltaire… mes prés verts… et tout ce qui me fait, parce que désormais c’est trop ?
Faut-il élever les enfants dans ce monde putride et nauséabond en leur « cachant la vérité» parce que les adultes préfèrent les euphémismes ?

Cela fait aujourd’hui 19 jours que les « évènements » au cours desquels 17 personnes     « ont disparu » ont eu lieu… Le doute ne tue pas, l’ignorance si !

(1) Walt Whitman « O Captain ! My Captain!” Leaves of Grass
©Emilie BERD 26/01/2015

DETRESSE MATERNELLE (Épisode 1)

Featured image – Si tu avais le choix, tu préfèrerais mourir comment ?

– …

– Maman ! Maaman !

– Oui ! Qu’est-ce qu’il y a ? Tu vois bien que je fais quelque chose, là !

-Tu fais quoi ?

– Je prépare le repas et après j’irai chercher ta soeur. On pourra dîner dès qu’elle aura terminé sa douche.

-Je pourrai rester à la maison pendant que tu vas la chercher ?

– Bien sûr, si tu veux. –

-Et puis, si j’ai peur…

– Ah non, si tu as peur d’avoir peur, il vaut mieux que tu m’accompagnes ! Tu ne vas pas rester à la maison à stresser! Tu vas essayer de m’appeler, j’vais pas entendre mon portable et tu vas t’angoisser. On y va tous ensemble ! Y en a pas pour longtemps, y en a pour 10 minutes!

– Tu as raison, je vais venir avec vous parce que avec tout ce qui s’est passé…Charlie, et tout … Pourquoi ils font ça dans des grandes villes ?

-…

– Maman

– Oui !

– Je voulais te demander si tu avais le choix, tu voudrais quoi ?

– Quoi quoi, Chouchou ?

– Si tu avais le choix entre mourir de vieillesse et mourir, tu sais, d’un coup…

– Comment ça, d’un coup ? D’une crise car…euh… Comment ça d’un coup?

– Ben oui, qu’on te tire dessus, tu sais. Y a un mec qui entre et…

– On dit « une personne » pas « un mec », mon chéri !

– Ah, oui !Pardon…Y a une personne qui entre et qui te tire dessus. Alors, si tu pouvais choisir, tu choisirai quoi…

– A vrai dire, je n’y avais pas pensé…De vieillesse, je suppose.En fait, je fais beaucoup d’effort pour éviter de penser à ça, mon coeur.

– Ah bon, pourquoi ?

– Parce que la mort d’une personne, c’est triste, non ?

– Si, si, c’est vrai. Mais c’est mieux la mort d’une personne que la mort de plein de personnes !

– …

– Maman, c’est mieux ? A la guerre, c’est mieux ?

– Pro…Probablement…

– Et bien, moi, je préfèrerai qu’un sniper me tire une balle dans la tête, comme ça, hop !

– Mais, mon coeur, tu…Pourquoi ?Tu …

– Ben, comme ça, tu sens rien !

– Chéri, enfin, tu te rends bien compte que ça ne va pas t’arriver ! Jamais t’arriver, mon coeur !

– J’sais bien, mais bon … Et puis, quand même la vieillesse, c’est vrai que ça dure plus longtemps …

© Emilie BERD 15/01/2015

Liberté

Je t’ai apprise petit à petit, heures après heures, puis jour après jour,
Juste une question de survie, qui fait un peu peur, et fait fuir l’amour.
Dès que j’ai su tourner ma tête, je suis partie à ta conquête,
Dès que j’ai su tenir debout, pour ne jamais être à genoux …

Tu m’as fait petit à petit, heurts après heurts, jour après jour,
Grandir et jusqu’ici, je n’ai plus peur de courir à l’entour.
Dès que j’ai su parlé, j’ai pu dire ce que je voulais.
Dès que les mots ont filé, c’était drôle, pas vrai ?!

Grâce à toi, j’ai :
Dit mes premiers mots, enfin surtout les gros,
Enfiler mon manteau, même s’il faisait chaud.
Appris à lire, à écrire, à rire
Appris à aimer, au prix parfois de te quitter.
J’ai claqué des portes, je suis devenue forte,
J’ai fait des enfants, voyagé 2 fois par an.,
J’ai bu, j’ai fumé et des livres, j’en ai dévoré.
J’ai rencontré des amis, de tout bord, de tout pays.

Et je veux t’offrir à mes enfants tant aimés
Ma liberté

© Emilie BERD  08/01/2015
Texte écrit dans le cadre de ma participation à l’atelier d’écriture en ligne « Ecriture créative ».